La spacieuse « library » du Reform Club était assoupie, ce soir-là, dans un silence qui révélait la morosité des membres présents. Cette tristesse n’avait d’autre cause que la mélancolie spleenitique du temps. Le docteur Schley, une célébrité médicale, l’ami et le protégé de Mackenzie, venait d’entrer. Après avoir échangé quelques phrases banales avec lord Kanthbouglf, un des hommes à la mode, il s’installa commodément dans un vaste fauteuil de cuir vert qui faisait face à une baie vitrée, et alluma un havane. De ce poste d’observation,Continuer la lecture « Les yeux fixes — Léo d’Hampol (1920) »

L’An deux mille En l’An deux mille, il n’y aura plus ni agriculture, ni patrie, ni laboureur, ni viande, ni pain, ni vin Chacun emportera, pour se nourrir, son petit morceau de fécule, sa petite tablette de matière azotée. Discours de M. Berthelot — déjà publié sur ArchéoSF, ici Voici l’ère de la chimie, Qu’annonça monsieur Berthelot. Le vieux soleil, un peu pâlot, Sourit à la plaine endormie. Ne cherchez pas le laboureur : Il est mort avec le vieux monde ; Ne parlez plus de moissonContinuer la lecture « L’An deux mille — Paul Harel (1895) »

Conte futur Pour M. H. Gomot, respectueusement. — Eh bien, il n’est que tôt ! s’écria le vieil Anthime Chatelus, en alignant deux rouleaux de louis d’or, et je regrette maintenant d’avoir vendu la « Grise » à la remonte de Guéret. J’en aurais tiré trois cents francs de plus, ce matin, à la foire de Felletin, où des maquignons achetaient tous les jeunes chevaux. La fermière de Vallières déchira les deux cartouches de papier bleu, les louis ruisselèrent sur la table où traînait un reste de repas,Continuer la lecture « Les Chevaux de guerre (conte futur) — Camille Audigier (1913) »

L’archéologie du futur est un thème récurrent de la science-fiction ancienne ou moderne. Dans ce petit texte paru dans la presse, des questions restent sans réponse à propos d’un statue retrouvée par hasard… LA STATUE DE GAMBETTA EN L’AN 2000 M. Millaud suppose qu’en l’an 2000, en réparant le garde-meuble où il y a divers grands hommes démodés, on découvre une statue qui porte un nom assez visible encore : « Gambetta. » Il est plus que probable que cette statue a occupé une des places de ParisContinuer la lecture « La statue de Gambetta en l’an 2000 — M. Millaud (1888) »

Paul, archéologue, ayant obtenu de la Fédération Européenne l’autorisation d’entreprendre des fouilles sur les lieux où s’élevait autrefois Paris, a mis au jour, creusant au flanc de la butte qu’on appelait, en ce temps-là, Montmartre, une sorte d’édifice aux murs décorés de peintures, lesquelles sont, fait-il dire, admirablement conservées. Les choses du passé intéressent peu les gens du vingt-quatrième siècle : il faudrait, pour les connaître et les apprécier, un surcroît d’efforts que chacun répugne à donner. Une extrême aisance étant assurée à tous aujourd’hui, enContinuer la lecture « En 2305… De certaines peintures découvertes dans les ruines de Paris | François Crucy (1905) »

Les journaux du mois d’août 3099 relatèrent un grand événement. À la fin de juillet, une feuille, qui était plus rapidement informée que les autres, avait bien annoncé l’étrange tentative. Mais les lecteurs étaient demeurés sceptiques. Ils devaient, cependant, se rendre à l’évidence : une centaine d’initiés avaient assisté à l’exploit accompli par M. Delaferme, et les chronométreurs officiels étaient sur le terrain. Nous empruntons, d’ailleurs, au Moniteur de l’Atmosphère des lignes qui rapportent avec précision les prodigieux essais de M, Delaferme et de ses émules.Continuer la lecture « L’homme qui marche — Fernand Nozière (1911) »

[En 1893, Paul Giniety imagine une suite au célèbre roman d’Edmond About L’Homme à l’oreille cassée publié en 1862. Il en reprend les protagonistes pour imaginer le monde dans un siècle… un monde utopique.] Comme le bon colonel Fougas, après toutes les émotions qu’il avait éprouvées en se trouvant tout à coup, au sortir de sa merveilleuse léthargie, transporté, lui, le héros de 1813, au Gymnase, en plein Paris de 1893, se sentait très fatigué, il demanda la permission de faire un somme. L’homme àContinuer la lecture « Chronique de 1893 : la suite de L’Homme à l’oreille cassée — Paul Giniety »

J’ai un ami, je pourrais en avoir deux ; son nom, je l’ignore, sa demeure, je ne la soupçonne pas. Perche-t-il sur un arbre ? se terre-t-il dans une carrière abandonnée ? Nous autres de la Bohème, nous ne sommes pas curieux, et je n’ai jamais pris le moindre renseignement sur lui. Je le rencontre de loin en loin, dans des endroits invraisemblables, par des temps impossibles. Suivant l’usage des romanciers à la mode, je devrais vous donner le signalement de cet ami inconnu ; je présume que son passeportContinuer la lecture « Théophile Gautier — Une visite nocturne (1843) »

I Alors, voici ce que dit le Voyant : Depuis douze siècles, Paris s’élargissait au pied de cette tour de métal, qui demeurait presque le seul vestige de l’ancienne ville et qu’une tradition très ancienne faisait nommer la tour Eiffel, sans qu’on sût au juste d’où lui venait ce nom, les archéologues n’ayant pu se mettre absolument d’accord à ce sujet. La ville était immense, abritant dans ses maisons à dix étages, couronnées de vastes terrasses, une population de six millions d’âmes. Sa prospérité était grande,Continuer la lecture « La mort de Paris — Louis Gallet (1892) »

C’est hors de doute que « les meilleures salaisons sont les viandes d’Australie. » Il n’y eut, de mémoire d’homme, nul aliment plus savoureusement économique sur la table du pauvre. Soutenue par ses cinquante ans de succès, l’affirmation s’est inscrite au verso de toute gazette ; elle s’est étalée à la fresque le long de tout mur disponible ; elle a flamboyé en traits de gaz sur la nuit de toutes les capitales habitées. Le cri de réclame est ainsi devenu proverbe, enguirlandant de gloire et de popularité laContinuer la lecture « La philanthropophagie — Louis Mullem (1890) »