Charles Fournel,
« En l’an 3000 »,
in Les Folles Images. Caricatures,
Éditions P. Houin, 1859
EN L’AN 3000
De l’ombre des forêts deux hommes sortent nus ;
Un vieillard et son fils ; ils trouvent une route,
Pleine d’une herbe haute où le bœuf dort et broute :
Pour eux, elle menait à des lieux inconnus.
Nos aïeux étaient forts ! plus grands que nous ne sommes !
Voilà, dit le vieillard, la route des géants !
Cette route conduit vers des gouffres béants,
Par là, sous les grands monts creusés par ces grands hommes !
Ils ont percé les monts et comblé les vallons ;
Ils avaient de grands chars qui parcouraient la terre ;
Que cherchaient-ils pourtant ? C’est encore un mystère !
Sans cesse ils s’agitaient, disant toujours : Allons !
Hardis, ils traversaient les mers comme des fleuves ;
Ils savaient tout, et rien n’étonnait plus leurs yeux ;
Leurs trésors s’égalaient aux étoiles des deux ;
Leurs villes rayonnaient en splendeurs toujours neuves.
Ils ne reposaient point. Leur esprit et leurs mains
Cherchaient et travaillaient nuit et jour, sans relâche !
Méprisant la fatigue, ils appelaient un lâche
Celui qui s’asseyait sur le bord des chemins.
Ils répétaient au faible : ô toi qui désespères,
Certes, les temps viendront ; cherchons, nous trouverons !
Ils disaient aux plus forts : Tous à l’œuvre ! Espérons !
— Je te dis ce qu’ont dit les pères à nos pères.
Mais que voulaient-ils donc ? Car les temps sont venus !
Ces races ont passé comme l’eau des ravines ;
Et leurs fils, au milieu des immenses ruines,
Aujourd’hui, dans les bois, vivent pauvres et nus !
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