Suite du feuilleton qui paraîtra en livre numérique fin mai aux Éditions Publie.net. Considérez donc ces épisodes comme de larges extraits pour vous mettre en appétit !
Une propriété à vendre
Le jardin dans lequel ils se trouvaient présentait un aspect inculte et sauvage.
Les plates-bandes étaient envahies par des plantes parasites, hautes et drues autour des arbres. Les longs pavots avaient poussé partout avec une fécondité luxuriante et vivace, et étouffaient les autres végétaux sous leur tête crénelée… La mousse couvrait le tronc des arbres que le sécateur n’avait pas depuis longtemps émondés, l’herbe croissait en toute liberté dans les allées sablées, et les chemins tortueux disparaissaient sous une végétation désordonnée. Tout enfin, dans ce lieu, portait le caractère de l’incurie de la solitude, de l’abandon.
La maison elle-même, qui s’élevait au milieu du jardin, était toute empreinte de tristesse et de vide ; elle paraissait inhabitée. Les volets verts étaient hermétiquement fermés à tous les étages. Les murs de la maison témoignaient du peu de soin que prenaient les possesseurs de cette propriété. La pluie y avait imprimé de longues traces jaunâtres ; les peintures s’étaient éraillées en plusieurs endroits, et les fermetures des portes et des fenêtres, écornées, vermoulues, fendillées de toutes parts, offraient tous les signes d’un délabrement complet.
— Triste habitation, dit Franck en se tournant vers Lopès.
— On se croirait dans une île déserte, ajouta l’étranger.
— À qui appartient-elle donc ? demanda encore Franck.
— Vous allez le savoir, répondit Lopès.
Et il s’avança vers la maison, sur le seuil de laquelle il venait d’apercevoir un homme qu’il avait pris sans doute pour le gardien de la propriété.
Cet homme, que nul des trois personnages que nous mettons en scène ne connaissait, n’est point un étranger pour nos lecteurs, qui l’ont déjà vu figurer dans les premiers chapitres de ce récit.
C’est Pascal !
Pascal, avec le même air impassible, la même attitude concentrée, le même regard oblique.
Seulement, le malheureux a singulièrement vieilli depuis, et, bien qu’il ait conservé des apparences de force et de vigueur inouïes, cependant ses cheveux ont blanchi sur son front soucieux, et quelques filets blancs égaient maintenant la couleur fauve de deux favoris toujours épais.
Est-ce le remords, est-ce seulement le secret terrible qu’il porte dans son sein depuis la nuit fatale.
Qui le sait ?
Des ténèbres épaisses planent incessamment sur ce sombre esprit, et Pascal veille sur lui-même comme sur un ennemi.
Lopès salua Pascal avec les égards que tout homme bien élevé doit à un concierge.
— Dites-moi, mon ami, fit-il aussitôt et sur un ton indifférent, voudriez-vous me dire à qui appartient cette propriété ?
— Au comte de Compans, répondit laconiquement Pascal en enveloppant les visiteurs d’un regard oblique.
Cette réponse arracha une exclamation de surprise à Franck, et, sans se rendre bien compte de ce qu’il éprouvait, l’idée lui vint en même temps que Lopès, malgré son air d’ignorance, savait parfaitement à quoi s’en tenir sur cette propriété qu’il avait été invité à visiter.
— Ne saviez-vous donc pas qu’elle lui appartint ? dit l’étranger en se rapprochant de Franck.
— Je l’ignorais, en effet, répondit ce dernier, et je m’étonne encore plus maintenant de l’état d’abandon où le comte laisse cette demeure, quand il suffirait de quelques réparations insignifiantes pour en faire une des plus délicieuses habitations des environs de Paris.
— M. de Compans en a d’autres, fit l’étranger.
— Qu’importe !
— Et puis, ajouta Lopès, peut-être le capricieux banquier a-t-il des raisons personnelles qui l’éloignent de la Bièvre.
Il y eut un silence sur ces mots.
L’étranger et Lopès échangèrent un regard, et Pascal avança de quelques pas vers le groupe. Franck seul était resté calme et impassible.
— Quelles raisons ? dit-il en souriant à Lopès.
— Eh ! mon Dieu, le sait-on jamais ? M. de Compans se trouve bien où il est, et il craint peut-être pour sa fille l’air de cette vallée.
— Mais l’air est ici excellent.
— Vous dites vrai.
— Eh bien ?
Lopès haussa les épaules.
— Eh bien ! expliquez-moi, mon cher docteur, répliqua-t-il avec vivacité, pourquoi cette propriété, qui est à vendre depuis quinze ans, n’a point encore, à l’heure qu’il est, trouvé d’acquéreurs ?
— Est-ce possible ? dit Franck.
— Demandez à cet homme.
Et Lopès désigna Pascal.
Ce dernier s’inclina en signe d’assentiment.
— Avouez, au moins, reprit Franck quelques secondes après, que voilà une chose singulière. Comment, à quelques lieues de Paris, en plein dix-neuvième siècle, on croirait encore aux revenants…
— Non, pas aux revenants, mon ami.
— Et à quoi donc ?
— Aux assassins !
Franck fit un mouvement et se retourna vers Lopès et l’étranger.
Quant à Pascal, il avait doublé d’attention sur les derniers mots qui venaient d’être prononcés.
— Aux assassins, dites-vous ? reprit Franck. Vous avez parlé d’assassins.
— Sans doute.
— Il y a donc eu un crime commis en cet endroit ?
— Qui le sait ?
— Mais le bruit en a couru ?
— On le dit.
— Et ce crime ?
— Un mystère impénétrable l’enveloppe.
— Et vous le connaissez ?
— Nullement.
— Enfin, vous supposez, du moins, que le bruit a pris assez de consistance pour que les acquéreurs fussent médiocrement tentés. N’est-ce pas cela ?
— C’est cela même.
Franck se prit à considérer le jardin de nouveau.
— En effet, poursuivit-il comme se parlant à lui-même, ce sombre aspect, ce délabrement, cet abandon, tout ce désordre donne bien l’idée d’un lieu où le crime a passé. La nuit surtout, quand le vent siffle dans les arbres, quand la rivière murmure et se plaint à l’entour, ce doit être horrible.
— Et vous ne deviendriez pas volontiers l’acquéreur ? fit Lopès.
— Pourquoi donc ?
— On n’aime pas habiter avec des fantômes.
— Il n’y a que les criminels qui en aient peur.
— Ainsi, vous vous rendez à mon opinion ?
— Elle me semble vraisemblable…
— Seulement…
— Auriez-vous donc quelques données certaines ?
— Peut-être.
Franck se prit à sourire.
— Tenez, mon cher ami, dit-il avec enjouement, vous me produisez, en ce moment, l’effet d’un romancier habile, vous êtes mystérieux et alléchant comme une fin de chapitre, et je m’attendais presque à vous entendre nous dire : la suite au prochain numéro. Voyons, ne mettez pas de façon avec nous, et dites-nous tout de suite ce que vous savez, si tant est que vous sachiez quelque chose.
Lopès s’inclina d’un air de bonne humeur.
— Vous le voulez donc ? dit-il à Franck et à l’étranger.
— Nous vous en prions.
— Alors je commence.
— Je vous écoute.
Pendant ces préliminaires, la physionomie de Pascal s’était tout à coup rembrunie, et les sourcils froncés, le front creusé de rides profondes, il avait pour ainsi dire suspendu son regard avide aux lèvres de Lopès.
Ce dernier seul avait tout remarqué, mais sans qu’il en eut rien fait paraître, et quand il reprit la parole, ce fut du même ton dégagé et avec la même aisance insouciante.
— À vrai dire, poursuivit-il, je sais fort peu de chose, et je ne me rappelle bien que le jour où cette histoire m’a été racontée : c’est un souvenir lugubre, une date funèbre qui me l’a gravée dans la mémoire assez profondément pour que rien ne puisse désormais l’en effacer.
J’avais un frère, auquel j’étais attaché par les liens de la plus solide amitié… des malheurs communs nous avaient unis étroitement, et la mort seule pouvait nous séparer. Le jour où j’appris le drame de la maison de la Bièvre, mon frère venait d’être assassiné.
— Que dites-vous ? firent en même temps l’étranger et Franck.
— Après, continua Lopès, ces deux souvenirs se sont liés indissolublement et je ne puis les disjoindre. J’étais en Amérique, et déjà même je songeais à revenir en France, quand un jour, à table, un de nos convives tomba tout à coup frappé d’une apoplexie foudroyante : nul ne connaissait cet homme ; il se disait Français, et comme j’étais le seul qui parlât sa tangue, je fus le premier à lui porter les premiers soins, soins inutiles, car il vécut à peine quelques heures et mourut au milieu de la nuit dans mes bras.
Seulement, l’approche de la mort rend lâches les plus courageux, et bavards les plus taciturnes ; et pendant l’heure que je passai au chevet du moribond, j’entendis les plus étranges révélations qui soient jamais tombées dans l’oreille d’un homme. Ce malheureux avait, parait-il, trempé dans le crime qui s’est commis ici, il y a quelques années, et, s’il ne m’a pas fait connaitre les coupables, du moins m’a-t-il édifié sur certaines circonstances du drame.
— Et ce drame ? fit Franck.
— Il y avait là deux neveux qui attendaient le dernier soupir du malheureux vieillard que Dieu allait rappeler à lui. La nuit était sombre, le vent secouait les arbres avec violence… Et les deux neveux écoutaient les bruits du dehors avec une poignante anxiété, craignant à chaque instant d’y mêler le bruit d’une créature humaine. Le vieillard avait déshérité son fils à leur profit, et il ne fallait pas que ce fils revint avant la mort de son père. Comprenez-vous ?
— Continuez, continuez, dit encore Franck, mais cette fois d’une voix émue, et le sein palpitant.
— Vers le milieu de la nuit, la cloche de la grille retentit.
— C’était le fils ?
— C’était lui..
— Il revenait pour recevoir la bénédiction de son père mourant.
— Le père vivait encore à ce moment, et tout pouvait être réparé ; à cette heure suprême si près de la mort, le père aurait pardonné, mais les neveux étaient là. La proie qu’ils avaient convoitée allait leur échapper, ils comprirent qu’ils étaient perdus et ils échangèrent un regard terrible.
— Mais le fils ! le fils, monsieur ? dit Franck en passant sa main rapide sur son front pâle.
— Je n’en sais pas davantage.
— Comment…
— Le lendemain, le père était mort et le fils avait disparu.
— Ils l’avaient assassiné ? fit l’étranger.
— Peut-être.
— Peut-être, dites-vous, s’écria Franck, mais le crime est ici évident, et la justice…
Lopès fit un mouvement ironique des lèvres.
— La justice, mon jeune ami, répondit-il, ne peut agir que sur des données certaines, et tout ce que je viens de vous dire est fort vague ; d’ailleurs, que vous importe, à vous, à monsieur, que m’importe à moi, la suite de ce drame, nous ne connaissons ni le vieillard, ni les deux coquins qui se sont emparés de sa fortune. Le crime a été commis avec une habileté sans égale, puisque les coupables ont échappé à la justice si vigilante. Mais soyez certain, Franck, que Dieu les a vus, et que tôt ou tard le châtiment les atteindra.
En parlant ainsi, Lopès marcha vers la maison dans l’intention de visiter les appartements. Franck et l’étranger le suivirent mais chacun d’eux avait reçu une impression profonde du récit de leur compagnon, et c’est avec un sentiment pénible, une sorte de tristesse, qu’ils montèrent les degrés du perron.
Quant à Pascal, il était blême.
Il n’avait pas perdu un mot, il n’avait pas quitté Lopès du regard, tant qu’il avait parlé, et pendant tout le récit sa main cachée sous sa veste avait labouré sa poitrine de ses ongles crispés.
Quand Lopès monta le perron, un mouvement violent s’empara du malheureux Auvergnat ; une haine aveugle et sourde fit refluer son sang vers son coeur, ses tempes battirent avec force, et il fut sur le point de se jeter sur l’indiscret conteur et de le prendre à la gorge.
Je ne sais quel sentiment le retint.
Ce ne fut pas la peur, cependant ; il était de force à étrangler son homme sur place. Mais une idée traversa tout à coup son cerveau, et il pensa que peut-être cet homme n’en savait pas plus long qu’il n’en avait dit, et qu’il valait mieux, après tout, attendre et observer.
Pascal se réservait, d’ailleurs, d’en référer au plus tôt à qui de droit.
Cependant, la visite des appartements s’était faite rapidement, comme si chacun des visiteurs eût eu hâte de s’arracher des lieux imprégnés de souvenirs douloureux.
Une demi-heure après, Lopès, Franck et l’étranger sortaient de la maison principale et se dirigeaient vers la grille du parc, où les attendaient leurs voitures.
Franck était triste, l’étranger paraissait soucieux : Lopès seul avait conservé toute son allure.
Quand ils eurent passé la grille, le jeune Monténégrin se tourna vers Franck et lui tendit gracieusement la main :
— Monsieur, lui dit-il d’une voix franche et sympathique, je ne m’attendais pas, en venant ici, à m’y trouver en aussi bonne compagnie. J’emporterai un bon souvenir de cette visite, et permettez-moi, avant de m’éloigner, de vous dire toute la sympathie que vous m’avez inspirée.
Franck serra cordialement la main qu’on lui offrait.
— Mille remerciements, monsieur, répondit-il sur le même ton ; nous ne nous connaissons que depuis une heure ; mais, si vous le désirez aussi vivement que moi, j’espère que nous n’en resterons pas là !
Les traits de l’étranger s’épanouirent à ces paroles.
— Au revoir donc, monsieur Franck, dit-il en saluant.
— Et à bientôt, répondit Franck.
Le jeune Monténégrin sauta lestement dans sa voiture, et ayant fait un dernier signe d’adieu à son nouvel ami, il partit au galop de ses chevaux.
Lopès et Franck remontèrent dans leur coupé et s’éloignèrent aussitôt dans la direction de Paris.
— Singulier jeune homme, dit Franck après quelques minutes de silence et avec un reste d’émotion.
— En effet, dit Lopès pensif.
— Ne le connaissez-vous pas ?
— C’est la première fois que je le rencontre.
— Il parait nous connaitre cependant.
— C’est ce qui m’intrigue.
— Ah ! n’importe, dit Franck, et quelle que soit la cause du mystère dont il s’enveloppe, sa personne m’inspire une très vive sympathie et je me sens disposé à avoir de l’amitié pour lui.
Lopès était devenu sérieux.
— Prenez garde ! dit-il d’un ton presque grave.
— Et pourquoi donc ? fit Franck.
— Il ne faut pas jeter ainsi son coeur au premier venu.
— Je suis si seul en ce monde, repartit Franck en prenant sa poitrine de ses deux mains. Si vous saviez quel terrible malheur a ébranlé ma vie.
— Vous !
— Tenez ! monsieur, cette histoire que vous racontiez tout à l’heure et qui m’a si profondément bouleversé. Ce crime, cet assassinat. Ah ! vous ne pouvez comprendre.
— Expliquez-vous.
Franck était violemment ému. Sa poitrine battait avec une violence désordonnée ; les paroles se pressaient sur ses lèvres, et il n’osait pas les laisser échapper. Enfin, l’émotion qui le dominait fut plus forte que sa volonté, et prenant sa tête éperdue dans ses mains :
— Oh ! les misérables, s’écria-t-il hors de lui, ils l’ont assassiné pour lui ôter sa fortune.
— Qui donc ? fit Lopes en jouant l’étonnement.
— Mon père !
— Comment ?
— Oui, monsieur : cette histoire que vous venez de raconter, c’est celle de mon père ; il venait en France chercher le pardon près du malheureux vieillard qui l’aurait béni en le revoyant ; et les assassins me l’ont tué… oh ! j’en suis sûr, maintenant !
Lopès releva le front.
— Eh quoi ? répondit-il lentement, votre père aurait ainsi disparu sans laisser de traces ; vous n’avez donc fait aucune démarche ?
— J’ai échoué dans toutes celles que j’ai tentées, répondit-il.
— C’est qu’elles ont été mal dirigées.
— J’y ai renoncé.
Lopès lui prit les mains avec une rude énergie.
— Allons donc, dit-il d’un ton impérieux, on ne renonce pas ainsi à un devoir, devoir de fils et devoir de citoyen ! Laissez-moi faire, Franck, cette histoire m’intéresse à un haut degré. Nous sommes au dix-neuvième siècle, que diable ! et Dieu merci, les hommes ne disparaissent plus aujourd’hui comme au bon temps des lettres de cachet. Avant peu, je veux éclaircir ces ténèbres.
— Vous y perdrez votre temps, dit Franck.
— Nous le verrons bien.
— Les assassins ont été habiles, et ils sont devenus puissants.
Lopès sourit ironiquement.
— Il n’y a de puissants, répondit-il avec fermeté, que les hommes de volonté forte. Voulez-vous vous abandonner à moi ?
Franck tendit la main à son interlocuteur.
— Vous avez fait déjà beaucoup pour moi, monsieur, sans que je sache encore à quel sentiment je dois rapporter l’intérêt que vous me témoignez.
— Est-ce une fin de non-recevoir ? fit Lopès.
— Nullement.
— Qui vous arrête, alors ?
— Quelque chose que je ne m’explique pas.
— Soyez franc.
— Ce n’est pas la première fois que je le suis avec vous, et j’ai craint quelquefois de vous blesser.
— Et vous avez eu tort, repartit Lopès, la position que je me suis faite m’interdit les susceptibilités vulgaires. J’ai l’âge de votre père, et vous pouvez me parler comme un fils.
Il y avait, dans le ton dont ces paroles étaient prononcées, un singulier accent de bonté cordiale dont Franck fut touché.
— Mais qui donc êtes-vous ? dit-il à son mystérieux compagnon.
— Qu’importe ! repartit ce dernier.
— Vous ne sauriez croire à quel point je me trouve embarrassé prés de vous.
— Eh bien ! ne vous effrayez point outre mesure de cette impression, mon jeune docteur ; j’espère que notre connaissance ne s’arrêtera pas en si bon chemin, et vous aurez occasion avant peu de m’apprécier comme il convient ; et, pour commencer, répondez sans détour à la question que je vous adressais tout à l’heure.
— Laquelle ?
— Vous l’avez déjà oubliée ?
— Tant de choses m’ont troublé l’esprit ce matin.
— Eh bien ! je le répète, voulez-vous vous abandonner à moi ; en d’autres termes, voulez-vous me charger de votre vengeance ?
Franck hésita un moment, puis relevant son regard honnête droit sur son interlocuteur :
— Soit ! dit-il ; en servant mes intérêts, vous servez peut-être en même temps les vôtres. Mais il y a de la fatalité dans tout ceci, et ce n’est pas pour de puérils motifs que le hasard vous a placé sur mon chemin.
— Croyez-le.
— Agissez donc comme vous l’entendrez.
— Vous m’y autorisez ?
— De tout coeur.
Le coupé brûlait le pavé ; il franchit rapidement la route, et une heure plus tard nos deux personnages arrivaient à l’hôtel habité par Franck.
Comme celui-ci descendait de voiture et allait pénétrer dans l’hôtel, un garçon vint à lui et lui remit un billet à son adresse.
Franck l’ouvrit précipitamment, et à peine y eût-il jeté les yeux qu’il fit une moue dédaigneuse.
— Qu’est-ce donc ? demanda indiscrètement Lopès.
Franck lui tendit le billet.
C’était une invitation a se trouver, le soir même, au bal de l’Opéra.
Lopès la lui rendit aussitôt.
— Irez-vous ? dit-il en souriant.
— À quoi bon ? répondit Franck.
— C’est un moyen de se distraire.
— À moins que ce ne soit une mystification.
— Eh bien ! si vous voûlez, je vous accompagnerai.
— Vraiment ?
— Je suis à vos ordres.
— S’il en est ainsi, j’accepte.
— À ce soir, alors !
— À ce soir !
Et Franck disparut dans l’hôtel pendant que Lopès faisait signe à son cocher de s’éloigner. Le coupé partit au galop.