Général Baron Thomas — Grenoble en l’an 2000 (1893)

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M. Le Général Baron Thomas,
« Grenoble à différents âges »,
Discours de réception à l’académie delphinale,
1893

 

En 1893, après avoir parcouru les différents âges de Grenoble, le Général Baron Thomas imagine dans son discours de réception à l’Académie delphinale l’avenir de sa cité en l’an 2000.

C’est une superbe ville de cent mille âmes, admirablement bâtie, l’air vif et fortifiant des montagnes n’est mêlé à aucun germe nuisible, et des milliers de personnes accourent dans ce sanatorium, jouir des sites pittoresques des Alpes, où le confortable se trouve réuni à tout ce que la nature peut montrer de plus grandiose et de plus attrayant. Les environs sont peuplés de milliers de villas élégantes, disposées pour un séjour de plusieurs mois d’été, de vastes hôtels, des casinos artistiques offrent des distractions variées et honnêtes, dont la musique, les arts et les exercices physiques offrent le principal attrait. La sagesse dauphinoise en a absolument proscrit les maisons de jeu, malgré le désir de ceux qui voulaient profiter de l’appât du fruit défendu.

Les érudits connaissent de nom les affreuses maladies qui désolaient les siècles passés, mais la phtisie, la fièvre typhoïde, la diphtérie ne se montrent plus que dans des contrées éloignées, où les médecins font pèlerinage pour aller les étudier.

Les machines à vapeur ne se voient plus que dans les musées, mais les forces hydrauliques de la nature, si abondantes dans nos Alpes, se sont transformées en lumière ou en forces utiles, distribuées abondamment dans les usines comme chez les particuliers. Aussi, Grenoble est-il devenu une ville de grand commerce, car elle est le centre de toute la région industrielle qui, utilisant les forces de la montagne, a couvert d’usines de tous genres les fonds de nos vallées.

La ville démesurément agrandie se trouve trop petite dans la belle saison pour contenir les milliers de touristes, venus de tous les points du monde. Beaucoup sont forcés d’aller s’installer aux environs, dans les belles forêts de l’Oisans et des Hautes-Alpes, conquises par le travail du dernier siècle. L’administration des forêts est toujours considérée, mais elle n’a plus qu’à administrer et à conseiller, car les particuliers et les communes sont affolés de plantations d’arbres de toutes sortes : ils en mettent partout. Aussi les Alpes sont-elles garnies jusqu’aux glaciers d’une superbe végétation.

L’Isère et le Drac sont devenus des fleuves bienfaisants, leurs eaux retenues par des barrages destinés à utiliser leurs forces sont abondantes et limpides et leur niveau est presque constant en tous temps, de telle sorte que le danger d’inondation n’existe plus.

Une large publicité est devenue un besoin général et justement en l’an 2000, où nous jetons sur la ville un regard précurseur, nous lisons un vaste pétitionnement de la population, qui s’indigne du projet d’établir un chalet sur le grand pic de Belledonne : — c’est bien assez, dit-on, du chemin de fer électrique, qui y conduit sans fatigue les malades et les infirmes accourant pour y faire leur cure d’air.

Grenoble est un peu triste l’hiver, parce que beaucoup de ses élégantes habitations ne sont utilisées que dans la belle saison, cependant le quartier de la Tronche, englobé dans la ville, est au moins aussi peuplé pendant la saison hivernale ; beaucoup d’amateurs de soleil y restent, abrités des vents froids par le massif du Rachais et du Saint-Eynard.

Nos forts n’ont pas été détruits, mais ils ont changé de destination ; ils ont été rendus inutiles par une organisation des forces dynamiques du pays qui, mobilisées en cas de danger extérieur, sont réunies à tous les points dangereux de la frontière et leur accumulation produit des défenses tellement redoutables, que le franchissement des passages est absolument impossible ; les Alpes sont devenues une barrière infranchissable, derrière laquelle le pays se sent parfaitement en sûreté. D’autant plus qu’il est prêt à être défendu par une belle population que l’hygiène et la grande habitude des exercices corporels ont rendue aussi forte et agile que vaillante. Il n’est point de fête publique sans l’exhibition de grands exercices gymniques, où la jeunesse de toutes les classes, sans exception, se trouve mêlée et rivalise de souplesse et de force. Les jeunes filles même y prennent une certaine part, tout en gardant la modestie et la réserve qui conviennent à leur sexe.

Enfin de superbes monuments attestent la splendeur de la ville et un des plus beaux est le palais de l’Académie Delphinale, dont la bibliothèque est une des merveilles de la cité.

Quoi qu’il puisse advenir de ces vues un peu fantaisistes, nous avons tous le sentiment intime du bel avenir de notre pays et c’est par cette pensée toute patriotique et dauphinoise, que je vous demande la permission de terminer mon discours peut-être un peu trop long.

***

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Et en bonus, une série de magnifiques cartes postales trouvées sur Wikipedia

http-::commons.wikimedia.org:wiki:File-Carte_postale_grenoble_4 http-::commons.wikimedia.org:wiki:File-Carte_postale_grenoble_5 http-::commons.wikimedia.org:wiki:File-Carte_postale_grenoble_6 http-::commons.wikimedia.org:wiki:File-Carte_postale_grenoble_7 http-::commons.wikimedia.org:wiki:File-Carte_postale_grenoble_8 http-::commons.wikimedia.org:wiki:File-Carte_postale_grenoble_9 http-::commons.wikimedia.org:wiki:File-Carte_postale_grenoble_10 http-::commons.wikimedia.org:wiki:File-Carte_postale_grenoble_11 http-::commons.wikimedia.org:wiki:File-Carte_postale_grenoble_12 http-::commons.wikimedia.org:wiki:File-Carte_postale_grenoble_15 http-::commons.wikimedia.org:wiki:File-Carte_postale_grenoble_200 http-::commons.wikimedia.org:wiki:File-La_Havane_-_GRENOBLE_-_Place_Notre_Dame_-_Statue_des_3_ordres http-::commons.wikimedia.org:wiki:File-Musée-bibliothèque_Grenoble_(avant_1900)

Roxane Lecomte
Plus connue sur la toile sous le nom de La Dame au Chapal, arrivée chez Publie.net fin 2011, graphiste, est responsable de la fabrication papier et numérique, est passionnée de littérature populaire et d'albums jeunesse. N'a pas peur de passer des nuits blanches à retranscrire des textes sortis des archives du siècle dernier.

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