III.
Le Médecin des Morts
Vers le milieu du jour, Pascal alla déclarer à la mairie le décès du vieillard.
Dans la maison de la Bièvre, toute trace du crime commis la veille avait disparu.
La chambre mortuaire était en règle. On avait baissé les jalousies et tiré les doubles rideaux des fenêtres. Il n’arrivait du dehors qu’un jour sombre.
Une seule bougie brûlait dans un des candélabres de la cheminée et jetait sur les meubles une douteuse lueur. Les ombres confuses se prolongeaient sur le parquet et sur le mur, et se jouaient à toutes les vacillations de la flamme. Sur le lit était un grand drap blanc qui moulait les formes maigres du cadavre. Enfin, au chevet, sur une table de nuit, avait été placé un verre rempli d’eau bénite, dans laquelle trempait un rameau de buis.
Il régnait dans ce lieu funèbre un silence froid et lugubre. On n’y marchait que doucement, on y parlait à voix basse.
C’était bien le sanctuaire sacré de la mort.
Vers deux heures de l’après-midi, on sonna à la grille du jardin. Pendant que l’Auvergnat allait ouvrir, les deux neveux vinrent en toute hâte se placer à genoux dans la chambre de leur oncle, marmottant des prières feintes entre leurs dents et simulant des pleurs étouffés sous le mouchoir dont ils se voilaient le visage.
Quelques instants après, un homme en habit noir et en cravate blanche était introduit.
Il avait cet aspect sérieux, digne et froid, que prennent les docteurs en pareille circonstance.
Cet homme était le médecin des morts ; il venait constater le décès du vieillard.
— Voilà le corps du défunt, dit Pascal en lui montrant le lit mortuaire.
Le docteur s’approcha du lit en saluant silencieusement les deux neveux prosternés dans leur douleur hypocrite. Il releva le drap qui recouvrait le corps, souleva les paupières du vieillard et passa une glace devant ses lèvres.
Aucun souffle ne ternit le verre poli.
Le décès était bien constaté.
Le docteur se mit devant un petit bureau qui se trouvait dans la chambre et demanda de l’encre et une plume.
— Quel est le plus proche parent du défunt ? demanda-t-il quand on lui eût apporté les objets demandés.
— C’est nous, répondit le plus âgé des deux neveux qui se levèrent et vinrent s’asseoir auprès du docteur.
— Vous êtes son fils ? demanda le docteur.
— Hélas ! monsieur, notre pauvre oncle n’a pu avoir le bonheur d’embrasser ses enfants ; on n’a jamais pu savoir ce que sont devenus ses deux fils…
— Alors vous êtes ses neveux ?
— Oui, monsieur, mon frère et moi.
— De quelle maladie est mort votre parent ?
— D’une maladie commune à cet âge avancé, d’une fièvre catarrheuse.
— Quel est le médecin qui l’a soigné?
Le neveu dit un nom de docteur.
Pendant que le neveu répondait, le médecin écrivait. Il se leva ensuite et alla inspecter une seconde fois le cadavre.
— Les membres, dit-il en l’examinant cette fois avec plus d’attention, ont une contraction inusitée, les dents sont serrées et la bouche est affreusement tordue.
Comme il disait ces mots, le docteur découvrit sans intention le front du vieillard enveloppé dans un ample foulard de soie.
Il y avait au front une large meurtrissure que le vieillard s’était faite au front en tombant.
— Que veut dire ceci ? demanda le médecin étonné, et d’où vient cette meurtrissure sur la partie frontale ?
À cette subite question, qui rappelait d’une manière inattendue le terrible événement qui avait suivi le crime de la veille, les deux neveux furent frappés d’épouvante et se sentirent défaillir.
L’Auvergnat lui-même, malgré son apathie, ne put s’empêcher de frémir, car il se sentait désormais enveloppé inévitablement dans le méfait commis sur le fils du vieillard.
Mais de ces trois hommes, l’un avait une force de volonté extraordinaire ; c’était le neveu à tête grisonnante. Il lutta donc violemment contre l’émotion qui l’envahissait, contenant les battements de sa poitrine, et tournant vers le médecin un regard assuré :
— Notre cher oncle a eu une agonie bien cruelle, dit-il d’une voix presque ferme. Quinze jours, mon frère et moi, nous avons veillé à son chevet. Enfin, vaincus par la fatigue et par la douleur, nous nous étions jetés sur un lit de repos dans une chambre voisine, laissant notre oncle aux soins de cet homme. Alors le délire, un délire effrayant, s’est emparé du moribond. Le serviteur a pris peur et il est venu nous avertir. Le vieillard s’est alors trouvé seul : la fièvre qui l’agitait a donné à son corps une force qu’on ne pouvait lui supposer. Il s’est levé, et, égaré, frémissant, il a fait quelques pas dans la chambre ; puis, saisi d’une subite faiblesse, il est tombé lourdement sur le parquet comme foudroyé, la face contre terre, et il s’est fait au front la blessure que vous lui voyez.
Cette explication, vraie dans les faits principaux, sinon dans les circonstances, parut toute naturelle au docteur, qui, toutefois, constata la mort accidentelle.
Après avoir signé la constatation qu’il était venu faire, il la plia, la plaça dans une large enveloppe qu’il cacheta, et remit le tout au neveu en lui recommandant de faire porter immédiatement cette déclaration aux bureaux de la mairie.
Puis il s’éloigna, laissant seuls les deux neveux et l’Auvergnat.
Le reste de la journée se passa dans une attente cruelle, mais moins anxieuse.
L’inhumation devait avoir lieu le lendemain matin.
Toutefois, le cadavre caché dans le cabinet, près du salon, pesait lourdement sur la conscience et sur la tranquillité des assassins. Il leur tardait de s’en débarrasser et de le faire disparaitre.
Enfin le moment arriva.
Le temps était incertain ; un vent du sud assez doux chassait dans le ciel de noirs nuages qui, par intervalles, jetaient de courtes averses. Une lune d’hiver, entourée de cette auréole irisée qui enveloppe son disque durant les temps pluvieux, épandait en larges nappes argentées sa lumière triste et fantasmagorique. Elle dessinait sur le sol de grandes ombres mouvantes qui couraient avec le vent et les nuages. Il y avait des alternatives de nuit sombre et de jour pâle et terne, selon que les vapeurs agglomérées de l’atmosphère voilaient la lune ou en découvraient la sphère lumineuse.
Vers dix heures du soir, les deux neveux mandèrent l’Auvergnat auprès d’eux. Celui-ci reçut l’ordre de faire avancer près de la petite porte du jardin une voiture fermée qu’ils avaient dû se procurer dans la journée. Après ce soin accompli, l’ainé exposa à son frère et à Pascal le projet qu’il avait formé pour se débarrasser du cadavre accusateur de leur cousin.
— Ce qui importe surtout, dit-il, c’est de faire disparaitre le corps du fils. Il faut que jamais et d’aucune manière on ne puisse le découvrir. Si on retrouvait le cadavre, on soupçonnerait immédiatement le crime et l’on en rechercherait les auteurs. L’identité de la victime serait facilement constatée, soit par des amis qui le reconnaitraient, soit par les gens chez lesquels il a logé et qui vont être inquiets de ne pas le voir revenir. Or, qui accuserait-on du crime ? Tout d’abord ceux à qui le crime profite, c’est-à-dire nous.
À cette remarque logique, le plus jeune des assassins eut un mouvement de frayeur.
— Eh ! eh ! on n’a rien pour rien, reprit son frère. Je savais parfaitement ce que j’encourais quand j’ai agi, mais avec de l’habileté et de la prudence on peut tout hasarder sans crainte des conséquences. Or donc, qu’on ne retrouve nulle part le corps de notre cousin, et personne ne songera à le croire mort. On le supposera, si on pense à lui, parti enfin aux Grandes-Indes, au bout du monde, n’importe où ! L’essentiel est qu’on ne le sache pas mort. Or, savez-vous ce que j’ai résolu ?
— Parle ! parle, dit son frère avec avidité.
— Eh bien ! j’ai songé à une substitution.
— Que veux-tu dire ?
— Je dis qu’au lieu de faire enterrer le père…
— Eh bien ?
— Nous ferons enterrer le fils.
— Comment cela ?
— C’est bien simple, en mettant le fils dans le suaire du père.
— Mais si l’on vient à le découvrir, tout est perdu.
— On ne découvrira rien. La constatation a été faite. Il ne s’agit plus que de coudre dans le suaire du vieillard le cadavre qui est dans le petit cabinet et demain nous livrons aux ensevelisseurs un homme jeune au lieu d’un vieillard.
— Mais que ferons-nous de l’autre cadavre ?
— Nous allons le confier à la Seine.
— Mais elle le rejettera cette nuit, demain, bientôt.
— Sans doute.
— Eh bien ?
— Eh bien !… comme personne ne reconnaitra ce cadavre… on aura la peine de l’ensevelir, et voilà tout…
— Tu penses ?
— J’en suis sûr.
Il y eut un moment de silence.
— Le moyen est bon, dit enfin laconiquement l’Auvergnat qui, jusque-là, n’avait soufflé mot.
— Dépêchons-nous alors, conclut le plus jeune des neveux, car j’ai hâte d’en finir.
Pascal, sur l’ordre qu’il en reçut, tira aussitôt le cadavre du cabinet et le transporta dans la chambre du vieillard. Les habits de la victime étaient couverts de caillots de sang. Sur le dos, autour des blessures, il s’était formé deux bourrelets noirâtres et sanieux. Les cheveux, collés en mèches inflexibles, étaient couverts de sang coagulé. Les chairs du visage avaient déjà une couleur bronzée. Pascal avait pris le cadavre par le milieu, de sorte que les bras penchaient et heurtaient les meubles et les portes.
L’Auvergnat ne manifestait pourtant aucune répugnance à cette horrible besogne.
Seul le plus jeune des neveux éprouvait une émotion pleine d’épouvante glacée.
— La mort te fait peur ? dit cyniquement son frère.
— C’est une mort horrible.
— Peut-être.
— Elle me pèsera sur la conscience.
— Imbécile.
— Tu me fais frémir avec ton sang-froid.
— Bah ! il n’y a pas de sots métiers quand ils rapportent trois millions !…
L’Auvergnat avait déposé à terre le cadavre de la victime.
Or, au moment où il prenait dans le lit le corps du vieillard pour y substituer celui du fils, un bruit se fit tout à coup entendre dans le jardin.
— Il y a quelqu’un là, dit l’un des assassins en devenant affreusement pâle.
— Qui cela peut-il être ?… fit l’autre.
Pascal laissa retomber le cadavre et alla ouvrir discrètement la fenêtre. Puis, sans remonter la jalousie, il regarda à travers les barreaux et promena son regard dans le jardin.
Mais il ne vit que l’ombre mouvante des arbres et n’entendit que le gémissement des branches courbées par la bise.
— Rien, dit-il en fermant la croisée et les rideaux.
— Ta nièce est couchée ? lui demanda-t-on.
— Je n’ai pas eu le temps de m’occuper d’elle aujourd’hui mais les petites filles ça dort comme des loirs. Elle est couchée depuis longtemps, j’espère.
— C’est bien, c’est une fausse alerte ; achevons notre oeuvre.
La substitution des deux cadavres s’opéra sans autre incident.
Le corps de l’homme assassiné fut cousu dans un suaire, prêt à être placé dans la bière qu’on devait apporter le matin. Quant au vieillard, on le revêtit d’un habillement acheté dans la journée.
On voulait de la sorte dérouter toute investigation.
Le vieillard avait au doigt un magnifique anneau ; on ne l’ôta pas, afin de faire croire à un suicide.
L’Auvergnat se promit bien pourtant de le détacher et de s’emparer du bijou à l’insu des neveux.
Il ne restait donc plus qu’à porter le corps du vieil oncle dans la voiture qui attendait à la petite porte du jardin et d’aller le jeter à la Seine. Pascal fut chargé de ce funèbre fardeau. On ne prit pas de lumière, afin de n’attirer les regards de personne.
Tout d’ailleurs était bien désert
Cependant, comme ils tournaient un coude d’allée, il leur sembla entendre un pas glissant et voir une ombre flotter et disparaitre à quelques pas. Mais comme le bruit ne se renouvela pas, que la lune, voilée à chaque instant par de rapides nuages, produisait constamment des intermittences de lumière, ils supposèrent qu’ils s’étaient trompés et continuèrent rapidement leur route.
Les criminels, d’ailleurs, c’est une chose à remarquer, au milieu de leur méticuleuse circonspection, ont des imprudences naïves qui ne peuvent s’expliquer que par le trouble que leur inspire leur propre crime ; ils agissent alors avec une étourderie qui les prive d’une partie de leur perspicacité.
Ils passèrent donc et s’engagèrent bientôt dans une petite allée bordée de jeunes ormeaux.
Le chemin était étroit et le corps que portait Pascal battait, en passant, des pieds et des mains contre les arbres.
Cependant, dans le jardin, derrière les arbres et les buissons que battait le cadavre, une jeune fille éperdue et folle de terreur, pâle, le coeur palpitant, contenait avec peine les mille cris qui se pressaient sur ses lèvres.
C’était la nièce de l’Auvergnat.
Une enfant de onze à douze ans environ.
Elle savait que la maison renfermait un mort. Comme on ne s’était pas occupé d’elle de toute la journée et qu’on l’avait laissée seule dans une des salles basses, à la nuit elle se trouva sans lumière et la peur la prit.
Elle sortit alors dans le jardin et, vivement émue d’une crainte superstitieuse, elle erra à l’aventure à travers les allées.
Elle attendait toujours pour rentrer que son oncle descendit et apportât de la lumière.
Vers dix heures et demie, elle entendit venir du monde. On causait à voix basse, on marchait avec précaution ; sa peur redoubla. Elle craignait de plus d’être rudoyée si on la surprenait à cette heure dans le jardin.
C’est de là qu’elle vit passer l’Auvergnat portant son funèbre fardeau. Une terreur affreuse saisit sou coeur et glaça ses sens ; elle ne put soutenir l’horreur d’un pareil spectacle, et, muette, presque morte, elle finit par tomber inanimée sur le gazon.
Les trois hommes et le cadavre s’étaient éloignés.
Ils étaient montés en voiture et avaient gagné par un chemin détourné le boulevard d’Italie.
Ils se dirigèrent vers la rive gauche de la Seine, en amont de Paris, et s’arrêtèrent enfin à un kilomêtre environ au-dessus du Jardin des Plantes.
Il était près de minuit.
L’Auvergnat, qui avait conduit la voiture, descendit alors de son siège et explora les lieux. Il alla jusqu’au bord du fleuve, il y avait plusieurs chalands amarrés, mais ces chalands étaient vides et pas une âme qui vive ne se montrait aux alentours.
Il revint aussitôt vers la voiture, mais au moment où il allait descendre le cadavre du vieillard on entendit soudain un pas d’homme à peu de distance.
— Quelqu’un vient, dit vivement l’un des neveux.
— Ne craignez rien, dit l’Auvergnat.
Et il se mit tranquillement à déboucler l’un des traits de la voiture et le retira de son palonnier.
L’homme passa.
C’était un batelier qui venait de conduire un train et rentrait au logis.
— Il vous est arrivé un accident ? demanda-t-il en s’arrêtant.
— Oh ! ce n’est rien, répondit Pascal, un des traits qui est sorti de son palonnier, et c’est tout.
Et l’homme s’éloigna.
Les assassins respirèrent. Dès que l’homme eut disparu, on se remit à l’oeuvre. On prit donc le cadavre et on le porta rapidement à la Seine.
Pascal et l’ainé tenaient le corps inanimé ; ils approchèrent de l’eau, ils l’y plongèrent doucement entre deux bateaux pour éviter de faire le moindre clapotement.
C’était le moment suprême de ce sinistre drame.
Le cadavre coula immédiatement sous les flots sombres.
Ce fut tout !
L’oeuvre était consommée !
Nos trois hommes se retirèrent alors en toute hâte ; ils montèrent lestement en voiture et partirent à fond de train en remontant toujours la Seine.
Ils ne voulurent négliger aucune précaution. Ils poussèrent jusqu’au pont de Charenton, au grand trot. Arrivés sur la rive opposée de la Seine, ils prirent à gauche et revinrent à Paris par Bercy et les quais de la rive droite. Enfin ils passèrent la Seine au pont de la Tournelle, traversèrent tout le faubourg Saint-Marceau et, vers trois heures du matin, ils rentrèrent à la maison de la Bièvre par la grande allée et la porte de fer du jardin.
Rien n’avait troublé leur marche, nul oeil indiscret n’avait découvert le but de leur course, ni même remarqué cette sortie nocturne.
Personne, excepté cependant la nièce de l’Auvergnat.
Celle-ci, grâce a la fraîcheur de la nuit, avait repris ses sens. Rappelant, quand elle revint à elle, ses souvenirs confus, elle fut prise d’une nouvelle frayeur ; rien qu’à la pensée de ce qu’elle avait vu, elle faillit s’évanouir une seconde fois, mais un secret instinct, une intelligence précoce lui firent comprendre que si on la trouvait dans le jardin et si on se doutait qu’elle avait pu voir, elle était perdue.
Aussi prit-elle son courage à deux mains et se releva-t-elle pour fuir et rentrer dans la maison.
Comme elle se remettait sur pieds, elle aperçut à terre un point blanc et lumineux, et elle eut peur.
Des idées funèbres la poursuivaient. Elle s’imagina que c’était un feu follet, une larve, peut-être l’âme du mort errante, étincelante, dans le jardin.
Elle était à cet âge où l’on donne un esprit à tous les corps et une forme à tous les esprits.
Elle allait s’enfuir.
Mais une pensée plus positive lui traversa la tête. Elle songea que l’or, l’argent, le diamant brillaient aussi. Ne trouvait-on pas tous les jours des bijoux perdus… En tout cas, si ce n’était pas un bijou, c’était sans doute quelque ver luisant égaré sur la mousse.
Elle vint vers le point brillant, se baissa et ramassa une magnifique bague dans le chaton de laquelle était enchâssé un diamant de la plus belle eau.
C’était l’anneau dont était ornée la main du vieillard et qui avait roulé à terre, sans doute dans un de ces heurtements qui faisaient battre contre les arbres les bras pendants du cadavre.
La petite fille émerveillée de sa trouvaille, fit un instant miroiter le diamant dont les feux l’éblouissaient. Puis elle le cacha bien vite et rentra au logis où son oncle la trouva endormie à son retour.
La petite fille ne parla à personne de la bague qu’elle avait trouvée, par la raison qu’elle eût été obligée de dire comment elle l’avait trouvée.
Et elle avait peur de dire même à son ombre le secret terrible qu’elle possédait.
Rien ne transpira donc des deux nuits sinistres dont nous avons raconté les incidents.
Toutefois, le lendemain, dans les journaux du soir, on lisait à la page des faits divers :
« Il y a quelques jours, un homme d’une quarantaine d’années descendait avec ses bagages à un hôtel garni de la rue Saint-Jacques. Il en sortit le soir même pour vaquer à ses affaires, annonçant son retour pour le lendemain matin au plus tard. Il fallait que le devoir qui poussait cet homme fût bien impérieux, car il faisait un temps affreux, et l’hôtelier n’épargna pas les supplications et les conseils pour lui faire retarder son voyage. L’homme partit malgré toutes les recommandations, et depuis il n’a plus reparu.
Le maitre de la maison meublée, inquiet de l’absence prolongée de son hôte, avait fait des recherches multipliées pour le retrouver et n’avait pu y parvenir, lorsque ce matin on lui annonça qu’un cadavre venait d’être retiré de la Seine à la hauteur du quai de Gesvres. L’hôtelier s’est immédiatement rendu à la Morgue, bien persuadé que ce cadavre n’était autre que celui de la personne qu’il avait hébergée.
Il n’en était rien ; l’homme qui a disparu avait une quarantaine d’années, et le cadavre péché dans la Seine est celui d’un septuagénaire.
Un double mystère qu’on désespère de percer enveloppe ce cadavre et la disparition du voyageur de la rue Saint-Jacques. »
FIN DU PROLOGUE