Un soir de l’année dernière, je me promenais avec mon ami Cros [Il s’agit de Charles Cros, poète et inventeur.] à travers l’exposition d’électricité. Il avait l’air de trouver cela très inférieur et prenait des mines tellement dédaigneuses devant tous ces foyers irradiants, qu’on eût dit qu’il portait le soleil dans sa poche. Un Monsieur qui l’observait d’un air vexé lui en fit la remarque.« Pardon, dit mon singulier ami, à qui ai-je l’honneur de parler ?– À M. Jablochkoff lui-même.– Fort bien, répondit l’auteur du CoffretContinuer la lecture « Les hommes luisants | Achille Mélandri (1882) »

Je m’étais couché très tard et je dormais, depuis je ne sais combien d’heures, d’un sommeil particulièrement agité, quand, soudain, l’huis de ma chambre résonna sous de multiples coups, frappés avec une violence extraordinaire. En même temps, une voix inconnue vociférait du dehors : — Holà ! le vieux, ouvre-moi ou j’enfonce ta porte !… Comme il n’y avait pas de vieux dans ma maison, — du moins à ma connaissance, — je pensai que mon irritable visiteur devait sûrement se tromper. Aussi, pour aller l’en convaincre, tentai-jeContinuer la lecture « Mon bicentenaire — Henri Jousset (1914) »

[Ceci se passe en l’an deux mille cinq cents]. Sur la terre où s’apaise la rumeur des hommes et des choses, où les voix deviennent graves, les gestes lents, les âmes songeuses, le crépuscule tend ses toiles de soufre et de sang, et le soir s’avance, solennel et recueilli, en l’apothéose glorieuse où s’achève le jour. De petits nuages cotonneux rutilent comme des sphères d’or. Des ballons fusiformes strient le ciel de longs jets de pourpre. C’est l’heure où les Parisiens s’évadent vers les campagnes,Continuer la lecture « L’essence de baiser — Gaston Derys (1898) »

Les hommes, qui ont fait pour rien tant de révolutions, sont encore divisés en deux partis contraires : ceux qui chassent, ont des chiens, font du tapage, se lèvent tôt, rentrent crottés et racontent beaucoup d’histoires ; ceux qui ne chassant pas, s’ennuient à les entendre et se fâchent, ce qui prouve qu’ils ont tort. Cette guerre civile, qui désole tant de ménages, n’est pas aussi vieille que le monde. Il fut des temps — temps heureux, d’avant le déluge —, où tout le monde était d’accordContinuer la lecture « La dernière bécasse du bois de Darel — G. de Chasseloup (1880) »

L’An 2075 Velut Aegri Somnia (Citation d’Horace : « Comme les rêves d’un malade »). I En deux mille soixante et quinze, deux cent cinquante ans juste après l’heure où cette révélation m’avait été faite, le continent d’Europe n’existait plus. Alors un sage vint de l’extrémité des contrées orientales, sillonner sous de blanches voiles le jeune Océan qui grondait encore avec orgueil sur le sol des vastes empires qu’il tenait abîmés. Le vaisseau qui portait Abein-El-Razy, s’arrêta non loin des lieux où fut une des plus fameuses métropoles duContinuer la lecture « L’An 2075 — Alphonse Rabbe (1836) »

Conte futur Pour M. H. Gomot, respectueusement. — Eh bien, il n’est que tôt ! s’écria le vieil Anthime Chatelus, en alignant deux rouleaux de louis d’or, et je regrette maintenant d’avoir vendu la « Grise » à la remonte de Guéret. J’en aurais tiré trois cents francs de plus, ce matin, à la foire de Felletin, où des maquignons achetaient tous les jeunes chevaux. La fermière de Vallières déchira les deux cartouches de papier bleu, les louis ruisselèrent sur la table où traînait un reste de repas,Continuer la lecture « Les Chevaux de guerre (conte futur) — Camille Audigier (1913) »

L’archéologie du futur est un thème récurrent de la science-fiction ancienne ou moderne. Dans ce petit texte paru dans la presse, des questions restent sans réponse à propos d’un statue retrouvée par hasard… LA STATUE DE GAMBETTA EN L’AN 2000 M. Millaud suppose qu’en l’an 2000, en réparant le garde-meuble où il y a divers grands hommes démodés, on découvre une statue qui porte un nom assez visible encore : « Gambetta. » Il est plus que probable que cette statue a occupé une des places de ParisContinuer la lecture « La statue de Gambetta en l’an 2000 — M. Millaud (1888) »

Paul, archéologue, ayant obtenu de la Fédération Européenne l’autorisation d’entreprendre des fouilles sur les lieux où s’élevait autrefois Paris, a mis au jour, creusant au flanc de la butte qu’on appelait, en ce temps-là, Montmartre, une sorte d’édifice aux murs décorés de peintures, lesquelles sont, fait-il dire, admirablement conservées. Les choses du passé intéressent peu les gens du vingt-quatrième siècle : il faudrait, pour les connaître et les apprécier, un surcroît d’efforts que chacun répugne à donner. Une extrême aisance étant assurée à tous aujourd’hui, enContinuer la lecture « En 2305… De certaines peintures découvertes dans les ruines de Paris | François Crucy (1905) »

Les journaux du mois d’août 3099 relatèrent un grand événement. À la fin de juillet, une feuille, qui était plus rapidement informée que les autres, avait bien annoncé l’étrange tentative. Mais les lecteurs étaient demeurés sceptiques. Ils devaient, cependant, se rendre à l’évidence : une centaine d’initiés avaient assisté à l’exploit accompli par M. Delaferme, et les chronométreurs officiels étaient sur le terrain. Nous empruntons, d’ailleurs, au Moniteur de l’Atmosphère des lignes qui rapportent avec précision les prodigieux essais de M, Delaferme et de ses émules.Continuer la lecture « L’homme qui marche — Fernand Nozière (1911) »

J’ai un ami, je pourrais en avoir deux ; son nom, je l’ignore, sa demeure, je ne la soupçonne pas. Perche-t-il sur un arbre ? se terre-t-il dans une carrière abandonnée ? Nous autres de la Bohème, nous ne sommes pas curieux, et je n’ai jamais pris le moindre renseignement sur lui. Je le rencontre de loin en loin, dans des endroits invraisemblables, par des temps impossibles. Suivant l’usage des romanciers à la mode, je devrais vous donner le signalement de cet ami inconnu ; je présume que son passeportContinuer la lecture « Théophile Gautier — Une visite nocturne (1843) »